• Il y a quelque chose de pourri au royaume de l'art. (suite)

    Il y a quelque chose de pourri au royaume de Danemark  (Hamlet, I, 4).

              

            Dans un excellent article paru sur agoravox  intitulé Art contemporain - une escroquerie ? (dont des extraits sont reproduits ci-dessous en vert ) Kookaburra situe la rupture avec le beau et la maîtrise technique au début du XX° siècle, dans le contexte de  la crise politico-sociale qui allait aboutir à la Grande Guerre de 1914. Dès lors, l’important c’est l’originalité. Il faut surprendre, voire déranger, heurter, choquer.

    C'est l'avènement des farceurs de tout poil, évoqués précédemment (clic), comme si, au travers de l'art, c'était la vie elle-même qui n'était plus prise au sérieux. Dieu lui-même ne se sentait plus très bien, ne rempilant çà et là que pour soutenir le moral des troupes.

    L'auteur cite Philippe Muray : "Si l’art contemporain peut encore faire semblant d’exister, c’est uniquement comme conséquence du martyre des impressionnistes …" et il précise : Au Salon des Indépendants au début du siècle dernier, les œuvres des Impressionnistes étaient ridiculisées par un public tant hilare que scandalisé. Ce n’est que plus tard qu’on s’est rendu compte qu’on n’était pas qualifié pour porter un jugement, et cette humiliation collective laissa des traces dans les consciences de la petite bourgeoisie, qui dès lors décida tacitement d’admirer par principe tout ce qui était nouveau et que l’on lui présenta comme admirable.

    En même temps, en la personne des marchands d'art, puis des financiers spéculateurs, apparaissent ce qu'on appelle de nos jours des influenceurs. Ceux qui vous dictent ce que vous devez apprécier, puisque vous-même êtes disqualifié pour juger selon votre propre goût.

    En 1985 Daniel Buren fait son installation dans la cour du Palais-Royal : des colonnes de hauteurs différentes, décorées avec des bandes verticales noires. Déjà à l’âge de 28 ans Buren s’est inspiré de la toile rayée d’un store, et depuis il n’a rien fait d’autre… Finalement l’œuvre a coûté environ 5 millions euros.

    Les collectionneurs peuvent prêter une valeur à un objet qui n’a, en soi, aucune valeur, et c’est le cas pour une bonne partie de l’art contemporain. Mais il n’y a pas lieu de s’indigner tant que la spéculation se joue dans le monde clos des collectionneurs. C’est quand la farce concerne l’argent public que nous avons raison de nous indigner.

     

    Or, c'est là que tout se pourrit : investir dans l'art permet d'échapper à l'ISF

     

    Si votre entreprise achète une œuvre originale d’un artiste vivant, vous pouvez la déduire de votre résultat imposable par fraction de valeur égale. Et ce, dès la première année d’achat puis pendant les quatre suivantes, à raison de 20% par an pendant 5 ans.

    La tentation est forte, dès lors, de fabriquer de toute pièce des "génies", d'introniser sous ce label, et plus ou moins au hasard, quelques-uns de ces farceurs prolifiques, en achetant  à prix d'or (bien plus cher que l'or, en fait) leurs carrés blancs, rayures, ou  gribouillis infâmes.

    Public  ringard, ils t'ont persuadé que tu ne connais rien à l'art   clic .

    L'art n'a rien à voir dans l'affaire, mais les affaires, oui, c'est une manip pour échapper à l'impôt, rien de plus. (entre autres, clic)

     

    En même temps, grâce à l'avènement de la société de loisirs, et la démocratisation des lieux  d'épanouissement personnel et d'accès au matériel de qualité pour un prix abordable,  l'art lui-même ne s'est jamais si bien porté, même s'il fait rarement la fortune de l'artiste. ( Il est certain que pour s'assurer un revenu régulier, mieux vaut être encadreur que peintre.) Tout le monde peut chanter dans des chorales et s'amuser à barbouiller, et c'est un bonheur.  

    Il y a quelque chose de pourri au royaume de l'art.(suite)Il y a quelque chose de pourri au royaume de l'art.(suite) 

        des "vrais"  artistes, il y en a une multitude.

    Et  l'art, c'est  tout simple, en fait, c'est ce qui réjouit l'œil et fait du bien à l'âme.

     

    Il y a quelque chose de pourri au royaume de l'art.Nathalie Picoulet, pastelliste (clic)

     Imagine, petit, imagine un monde où on n'aurait pas honte d'aimer le beau et le travail bien fait, où le foutage de gueule, le scato, la spéculation financière  seraient rejetés dans le cloaque des dérives nihilistes avec la pornographie... imagine ...

     

     

    histoire de causer »
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  • Commentaires

    12
    Samedi 11 Janvier 2020 à 16:29

    coucou Emma ! je n'oublie pas tes blogs et je viens les voir le plus souvent discrètement. Aujourd'hui j'ai eu l'idée de recommencer par le commencement et je suis ravie de tes articles interrogeant l'art. Qu'est-ce que l'art ? Vaste question que les marchands du temple actuels n'arriveront pas je l'espère à faire disparaître des questionnements humains. Plus généralement, il me semble en toute subjectivité que si l'art existe, ce n'est pas en opposition à la nature mais parce que nous y trouvons ce qui nous plait le plus dans la nature, selon notre regard ... (notre oreille, etc ...) Pourquoi nous émerveillons-nous en voyant dans un film la course d'une panthère des neiges et pourquoi disons-nous "laid comme un pou ?

    Je te souhaite la plus belle la meilleure année possible.

    11
    Loht
    Jeudi 8 Mars 2018 à 17:43

    Chère Emma,

    Nos écrits se sont croisés sur les impromptus... J'y suis une récente tête ! J'ai voulu découvrir votre univers et crac, je tombe au hasard sur cet article, datant déjà, sur l'art contemporain. Je me sens moins seul comme ruminant ! Disons que nous sommes particulièrement nombreux à ruminer dans notre coin.

    Pour ma part, cet article m'intéresse d'autant plus que je suis dans une phase très particulière de ma création. Parti d'un art très exigeant techniquement, j'ai entamé il y a une petite dizaine d'années un chemin plus moderne (inspiré du cubisme, mais ancré dans une tradition médiévale). Mais, je me sens au bout de l'aventure et je n'ai pas trouvé dans ces modes de représentation ce que j'attendais. Et il y a trop de faiseurs ! Ce qui crée une indéniable ambiguité sur la crédibilité de tel ou tel art et artiste. Bref, je vous raconte ma vie...

    J'en suis à travailler à nouveau avec la tradition et le classicisme formel (comme le vers régulier duquel je démords difficilement). Votre article fait écho en moi car je vis cette escroquerie de l'art contemporain ( le terme est ridicule puisque parfaitement dévoyé : tout artiste vivant et pratiquant son art à l'instant T étant selon le dictionnaire contemporain sans condition de style ou assermentation d'une quelconque entité culturelle, non ?) comme une injustice et une tromperie profonde qui fait un tort énorme aux artistes travaillant dans une veine classique et avec une démarche profonde et intègre...

     

    Merci à vous pour la mise en lumière. Et c'est un réel plaisir de lire une si belle rédaction.

     

    Amicalement

    10
    Samedi 13 Janvier 2018 à 20:16
    Cathy

    Analyse intéressante; j'ajouterai aussi que l'arrivée de la photo a considérablement changé la donne: pourquoi essayer de faire du "réaliste" puisqu'on y arrive avec cette technique. C'est aussi ce qui a poussé beaucoup d'artistes à aller sur d'autres chemins.

    9
    Vendredi 8 Décembre 2017 à 09:38
    Edmée De Xhavée

    Mais il faut une sorte de "courage" (tout relatif mais courage quand même) pour dire "oui mais, moi j'aime pas...". Et ne parlons pas de "je n'y comprends rien"! On retrouve le même cirque dans l'écriture, bien entendu! Et toutes les formes d'art...

    8
    Jeudi 7 Décembre 2017 à 18:36

    Je crois que je ne suis jamais aussi bête que quand je me trouve dans un musée de l'art moderne où souvent je ne comprends rien à rien et j'ai l'impression que l'on me prend pour une demeurée...

    C'est triste que l'art soit lui aussi touchée par l'argent et la spéculation. Mais cela n'est pas nouveau. Mozart devait composer pour la cour. Dès qu'il sortait des canons de la composition, il était soit fustigé ou alors adulé. Et sa vie n'a été que compromis et quête de reconnaissance. Pour moi, une oeuvre est belle si elle parle à mon coeur, pas si elle coûte des milliers et des milliers de dollars.

    Bises alpines et belle soirée.

    7
    Jeudi 7 Décembre 2017 à 12:17

    C'est une affaire de gros sous, une fois de plus...

    6
    Jeudi 7 Décembre 2017 à 11:02

    je partage ton analyse

    5
    Mercredi 6 Décembre 2017 à 07:37

    D'accord avec toi !

    Qu'il est beau ce pastel !

    4
    Mardi 5 Décembre 2017 à 13:43

    Tu devrais condenser dans un recueil tous les documents que tu as déjà présentés ainsi que ta réflexion.
    Il y a quelque que chose de pourri dans notre façon de vivre et pas seulement dans le domaine de l'art, parce que l'art, ma foi, une fois la mode passée s'en remettra et reprendra sa signification véritable. Mais tout cela a entrainé la chute de l'artisanat vers le bas. Le travail bien fait de tous ces ouvriers qui réalisaient autrefois de véritables petits chefs d'oeuvre, pensons aux dentelières, aux tapissiers, et  même plus simplement à des corps de métiers comme les cordonniers par exemple sont dévalorisés. Le savoir-faire, le beau geste, la précision manuelle n'ont plus la cote parce que toutes les valeurs sont faussées.

    3
    Mardi 5 Décembre 2017 à 09:16
    Je suis tout à fait d'accord avec toi.
    Le tableau que tu montres est superbe !
    Passe une douce journée.
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    2
    Mardi 5 Décembre 2017 à 07:59

    Que rajouter Emma... j'ai quelques "tableaux" au mur, ah pas de ceci cela, me suis fait plaisir pour quelques francs... artistes inconnus, vivre de son art, du bol, surtout si des milliers de francs gagner avec ! Ah le monde et ses hommes... !! sarcastic

    1
    Serge
    Mardi 5 Décembre 2017 à 07:26

    Je souscris complètement ...bravo de t  engager comme cela .... c est à publier dans certaines revues d art ......

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